d’assises qu’en soutenant, contre toute évidence, que j’avais voulu atteindre la veuve et l’orphelin à travers le mort, condition nécessaire, aux termes de la loi, pour que la critique des actes d’un homme qui n’appartient plus qu’à l’histoire, devienne délictueuse[1]. Ils n’y insistaient plus, rappelaient seulement l’articulation « pour mémoire », invoquaient maintenant, par un artifice ingénieux que le législateur n’avait pas prévu, l’article 1882 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer… » En écrivant qu’Henry n’a pas été seulement un faussaire, mais l’associé d’un traître, j’ai causé à ses héritiers un tort direct, personnel, dont je dois réparation.
Les Cours d’assises, les tribunaux correctionnels ne connaissent que des délits et des crimes ; l’action civile n’y est admise que si la loi pénale a été violée ; rien que le délit connu et réprimé peut servir de base à l’action civile ; « en cas d’acquittement par les juges, le prévenu devra être renvoyé de la plainte sans dépens ni dommages-intérêts au profit du plaignant » ; c’est le plaignant qui les doit pour avoir poursuivi à tort[2]. En transportant les instances en cours du criminel au civil, la loi d’amnistie n’a pas pu conférer à Mme Henry un droit nouveau, et quel droit ! Si les héritiers « d’un homme qui appartient à l’histoire dès qu’il a cessé d’appartenir à la vie[3] », peuvent se considérer comme atteints par les jugements qui le frappent ; s’ils peuvent faire usage de l’article 1382 contre l’écrivain quel qu’il soit, journaliste ou historien, qui juge le mort avec