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LE BORDEREAU ANNOTÉ

Les gens de la Libre Parole invectivèrent les juges pour avoir traité de « crime odieux » la « ruse de guerre » d’Henry, « ce représentant de notre démocratie militaire », et pour n’avoir accordé à sa veuve qu’une obole dérisoire et « injurieuse[1] ».

V

Il y avait déjà huit ans depuis le premier procès de Dreyfus, quatre ans depuis le procès de Zola. Les années funèbres vont commencer, celles où vont l’un après l’autre disparaître les acteurs de la tragédie, se fermer ces livres vivants. Le plus clair et le plus pur de nos flambeaux, Scheurer, s’était éteint le premier ; Giry et Grimaux partirent ensuite[2], frappés tous deux à mort par l’Affaire. Le mal qui emporta Giry s’était accru à Rennes de ses émotions et de ses colères ; il en était revenu le spectre de lui-même, avec la mort sur le visage. Grimaux, tout stoïque qu’il fût, ne s’était pas consolé de la perte de son laboratoire d’où Billot l’avait chassé[3] ; son âme de savant, les sources de sa vie étaient là : il ne fit plus que traîner[4]. Ils montrent la route à Duclaux et à Molinier, à Bernard Lazare et à Trarieux, déjà frappés. Zola, dans sa verte maturité,

  1. Libre Parole du 5 et du 15 juin 1902.
  2. Giry le 13 novembre 1899 et Grimaux le 2 mai 1900.
  3. Voir t. III, 492.
  4. « Il chancelle sous le poids du malheur ; les sources de la nutrition sont taries. » (Clemenceau, La Honte, 144.) — « Il ne fit plus que décliner. » (Painlevé, discours du 11 août 1907 à l’inauguration du monument de Grimaux à Rochefort.)