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L’ENQUÊTE


de lui demander, si l’histoire du bordereau annoté était une légende, comment il expliquait les réticences et les mystérieuses allusions de son témoignage de 1899, qui avaient fait dire à Barrès « qu’il avait indiqué toutes les pistes au bout desquelles se trouvaient les preuves[1] » ; et pourquoi il n’avait point imposé silence à tous ceux des siens qui, se couvrant de son nom, avaient répandu l’abominable mensonge ; et pourquoi encore il n’avait point adressé de démenti à Rochefort, à Déroulède et à Drumont, aux Pères de la Croix, surtout à l’auteur anonyme de « la lettre au général Mercier », publiée et répandue au lendemain et comme le commentaire de sa déposition à Rennes, qui en donnait « le véritable sens », Et Mercier n’aurait eu qu’une réponse : Pourquoi ni Labori ni Demange n’avaient-il pas posé la question[2] ?

Quand l’autre fourbe, Stoffel, connut par Baudouin le récit de Mercier, il ne contesta pas qu’ils eussent eu un entretien ; mais il ne lui a jamais dit avoir vu une photographie de la lettre impériale : « Il n’y a pas un mot de vrai, cria-t-il, c’est complètement faux ! » Ils ne disaient vrai tous les deux que lorsqu’ils s’accusaient l’un l’autre de mensonge et démentaient l’imposture qu’ils avaient accréditée, sinon inventée, de compagnie.

L’auteur (vraisemblable) du faux, Henry, était mort ; mais on avait sa conversation avec Paléologue : « Il y a une lettre de l’Empereur d’Allemagne… », sa correspondance avec Esterhazy sur « les lettres du Q couronné », « dont il ne fallait plus parler », et sa déposition, au procès Zola, sur le dossier intime, ultra-secret, de Sandherr, que Mercier et Boisdeffre eux-mêmes

  1. Voir t. V, 324.
  2. C’est, ce que Millevoye avait fait observer à Baudouin.