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L’ENQUÊTE


été volé par la Bastian dans le casier de Schwarzkoppen ; elle le donna à Brücker qui le porta à Henry ; Henry, feignant de trouver peu d’importance au document, commençait de le déchirer ; Brücker proteste ; Henry cède, réfléchit, recolle le bordereau et le remet à Sandherr.

Lauth et Gribelin avaient été interrogés souvent sur l’arrivée du bordereau, la scène suspecte qu’avait jouée Henry quand il le leur fit voir pour la première fois. Le quatrième officier, Matton, n’avait jamais déposé, bien que Lauth l’eût mêlé à son récit[1]. La Cour le fit citer. Il déclara que le bordereau lui avait été montré par Sandherr, qu’il l’avait attribué aussitôt à un officier d’État-Major, du corps de l’artillerie, et qu’on ne lui en avait point reparlé[2].

Quand j’avais publié la lettre d’Henry à Papillaud, dont je possédais seulement une copie, Papillaud avait reconnu que le texte en était authentique, mais contesté que cette lettre signée « Henry » émanât d’Henry ; Mercier et Cuignet l’attribuaient à Du Paty, depuis que j’en avais tiré une preuve singulièrement forte de la complicité d’Esterhazy et d’Henry[3]. Du Paty,

    « Cela ne vaut pas mieux que ce que vous avez apporté ces derniers temps » et il commença à déchirer le bordereau qui était intact. Brücker arrêta le mouvement et dit : « Si vous jugez que ce papier est sans valeur, je ne le juge pas ainsi, rendez-le moi ; je trouverai d’autres personnes qui y attacheront plus d’importance que vous. » Sur quoi, Henry, se ravisant, lui dit : « Eh bien, laissez-le ; je l’examinerai, et, après avoir vu ce qu’il vaut, je vous appellerai. » Voilà le récit tel qu’il nous a été fait par M. Puybaraud. » — Déposition de Robert de Flers : « Puybaraud nous dit tenir les renseignements qu’il nous donnait de Brücker, l’oncle de Brücker, amant de la femme Bastian. »

  1. Voir t. Ier p. 43.
  2. 26 mars 1904, Matton.
  3. Rennes, II, 202. — Voir t. V. 46.