Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
364
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


nage, est-il sorti du souvenir de Mareschal ? Pourtant la mémoire a de ces lacunes et de plus singulières encore. Mais où l’aventure devient inquiétante, c’est quand François, interrogé le même jour[1], déclare lui aussi que « jamais document, à sa connaissance, n’a été payé d’un tel prix ». Atthalin le presse : « Si un document avait été payé 25.000 francs, auriez-vous pu l’ignorer ou l’oublier ? — L’ignorer, jamais de la vie, réplique François ; l’oublier, ce serait invraisemblable. » Or, Dautriche, qu’Atthalin appelle séance tenante, dépose que la mention « Documents fournis par Austerlitz » lui a été donnée par Mareschal ou par François, et que la dépense a été ordonnée par celui-ci en l’absence de Rollin.

La pensée que ces officiers, ou l’un d’eux, auraient pu s’approprier la somme ne vint pas un instant à Atthalin ; mais tels étaient, à l’époque où se passaient ces incidents, l’excitation des esprits et l’obscurcissement de certaines consciences qu’il n’était point invraisemblable qu’ils se fussent entendus pour payer Cernuski avec une partie de l’argent porté au compte d’Austerlitz.

La déposition du colonel Rollin et sa confrontation avec Dautriche et Mareschal[2] accrurent encore les soupçons d’Atthalin. Soit que la mémoire lui fît également défaut, soit qu’oublier lui parût une tactique beaucoup plus sûre que mentir, Rollin, qui avait accompagné Mareschal à Zurich, ne se souvenait plus de la somme qui avait été payée à l’informateur allemand et si c’était le capitaine ou lui qui l’avait emportée. « C’était une forte somme, c’étaient plusieurs

  1. 9 mai 1904.
  2. 14 mai.