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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Je ne fus pas moins net dans un article du Siècle[1] :


Quand j’ai raconté, pour la première fois, que le P. Du Lac, dans sa cellule, avait toujours l’Annuaire militaire sur sa table, le scandale fut grand. L’annuaire a changé de table. Ce n’est pas pour cela que nous avons combattu à Marathon… L’homme qui a vendu ces lettres qui parurent d’abord des faux, on l’appelle partout « misérable » et « Judas ». Certes, oui ! Comment oublier que des officiers furent « notés » sur les indications de ce « misérable » et de ce « Judas » ? … Qu’un gouvernement ait le droit de se renseigner par ses propres agents, ses agents directs, responsables devant la loi, sur la loyauté des officiers, nul, sous aucun régime, ne l’a jamais contesté. La loyauté d’un officier envers le gouvernement, ce n’est pas sa conscience, politique, philosophique, religieuse — domaine impénétrable, — c’est son attitude respectueuse de la constitution et des institutions, ou hostile, et qui, à proprement parler, fait partie de la discipline. Mais le droit s’arrête là. Plus loin, c’est l’Inquisition. Avec d’autres agents, c’est la délation, l’espionnage à l’intérieur, la corruption, toute une semaille affreuse de haines et, finalement, nécessairement, la trahison, le Bidegain qui vend ses papiers, « vos » papiers, et passe la frontière… Est-ce décidément une loi de l’histoire que les vainqueurs n’ont pas plus tôt triomphé qu’ils prennent aux vaincus leurs vices ? Au moins le jésuite d’hier ne trafiquait pas de ses secrets… On veut attacher l’armée à la République ; si on voulait l’en détacher, comment s’y prendrait-on ?


Un peu plus tard, comme le comité central de la Ligue des Droits de l’homme avait refusé, malgré

    révélées et que je trouve odieuses et détestables… » (5 janvier 1905.)

  1. 3 novembre 1904.