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LA REVISION


à donner sa démission (plus de dix jours après l’agression de Syveton), et que Combes « le supplia de rester[1] ». Selon Clemenceau, Combes, « s’étant mis dans l’idée qu’André était la principale cause de faiblesse pour son ministère », le « démissionna », lui fit dire « par une troupe d’amis » de se sacrifier, « l’étrangla à la turque », alors « qu’il n’était pas moins responsable que lui des fautes que Syveton avait sauvées provisoirement d’une sanction parlementaire[2] », Il le remplaça par Berteaux[3].

Syveton ayant déclaré formellement à l’instruction et établi par témoins qu’il avait prémédité son acte, son renvoi devant la Cour d’assises s’imposait. C’était pour lui la certitude d’un procès retentissant, la probabilité d’un acquittement triomphal ou d’une condamnation légère. Dès qu’il connut l’ordonnance du juge, « sa joie éclata[4] » son procès ne serait pas le sien, mais celui d’André ; il écrivit son plaidoyer :« J’ai outragé, j’ai souffleté un ministre de la Guerre… Je l’ai souffleté, non par derrière, mais par sa face, non pas pour le blesser matériellement, mais pour l’outrager, non pas pour satisfaire une animosité personnelle, mais pour venger l’armée livrée et la patrie trahie[5]. »

La veille du jour où il devait comparaître aux assises, vers trois heures de l’après-midi, sa femme, entrant

  1. Cinq ans, 339. — « J’ai trop de fierté de moi-même et de mon œuvre, j’ai trop l’amour de la Patrie et de la République pour accepter, même une minute, l’hypothèse que je pourrais être une cause de désunion dans la majorité républicaine. » (Lettre à Combes, du 15 novembre 1904.)
  2. Aurore du 16, Dépêche des 20 et 26 novembre 1904.
  3. 16 novembre 1904.
  4. Bonnamour, loc. cit., 153.
  5. Ibid., 280 et suiv.