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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


rieur de l’Instruction publique, approuvait « les jeunes militants de s’employer à faire comprendre à l’ouvrier qui va quitter l’atelier, au paysan qui va déserter les champs pour aller à la caserne, qu’il y a des devoirs supérieurs à ceux que la discipline voudrait lui imposer… » « Si », en temps de grève, « l’ordre de tirer était donné, persistait, les fusils pourraient partir, mais ce ne serait peut-être pas dans la direction indiquée[1]. » Aujourd’hui, Briand, averti, condamne de toutes ses forces éloquentes Hervé, les idées qui conduiraient à « ce crime monstrueux : laisser écraser, anéantir, seulement affaiblir le pays, berceau de la Révolution, où sont nées toutes les libertés[2] ». — Ni l’armée ne peut cohabiter impunément avec l’injustice, ni la justice avec l’anarchie. Toutes deux ont commis ces fautes. L’armée se dissoudrait, le corps social tomberait en désagrégation, s’ils n’expulsaient l’un et l’autre les poisons variés qui les ont pénétrés et qui sont également mortels. À cette condition seulement la société politique redeviendra organisée, ordonnée, et l’armée saine et forte.

Quelques mois après le procès de Rennes, Zola reçut d’un groupe d’admirateurs une médaille commémorative de sa fameuse lettre ; il leur dit, à propos de l’amnistie : « Je ne chante pas d’avoir été vainqueur ; Dreyfus est libre, mais notre France reste malade[3]. »

De quelle maladie ? Du mal profond de ce peuple, de la vieille habitude, monarchique, napoléonienne, de

  1. Discours au Congrès général du parti socialiste (décembre 1899).
  2. Discours du 1er  octobre 1905 à Saint-Étienne.
  3. 12 janvier 1900. — Ce discours, reproduit dans le Petit Temps du 13, ne figure pas, bien à tort, dans la collection des articles de Zola sur l’Affaire : La Vérité en marche.