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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/537

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APPENDICE


lettre, la volumineuse argumentation de M. le procureur général. Nous n’aurons la possibilité de le faire, les autres témoins à charge et moi, que s’il s’ouvre de nouveaux débats publics et contradictoires, avec liberté complète pour nous de produire nos témoignages sur tous les points de la cause et de discuter ceux de nos adversaires.

En ce moment, je ne puis que constater le résultat auquel aboutit l’étrange procédure adoptée pour l’étude des demandes en revision, avec témoins entendus à huis clos, sans confrontation entre eux et sans débats contradictoires, puisque les trois orateurs qu’entend successivement la Cour parlent à peu près dans le même sens.

Grâce à la non-publicité des dépositions et à l’absence totale de toute espèce de contradiction, M. le procureur général a pu étayer son argumentation sur des racontars de journaux, sur de prétendus interviews, sur des dépositions qu’il affirme être favorables à sa thèse, mais dont nous ignorons le texte exact, sur d’autres dépositions qui sont défavorables à sa thèse, mais dont il tronque le texte de manière à en diminuer ou en dénaturer la portée. Certaines dépositions importantes sont passées entièrement sous silence. D’autres, importantes aussi, mais ayant trop impressionné l’opinion publique pour qu’il n’en soit pas parlé, sont dédaigneusement écartées sous le prétexte que leurs auteurs sont criminels, fous ou idiots. Enfin, toute enquête conduite par un conseil de guerre est considérée comme nulle et non avenue, en raison de : « l’impuissance absolue de la justice militaire de mener à bien une affaire tant soit peu compliquée. »

Avec ces procédés, M. le procureur général arrive à présenter l’historique de l’affaire Dreyfus et des jugements des trois conseils de guerre (Dreyfus, Esterhazy) sous une forme spéciale. Si je voulais emprunter une locution caractéristique de son réquisitoire, je dirais que c’est une longue théorie « de mensonges habilement coupés de bribes de vérité ». Mais je ne me permettrai pas même