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L’AMNISTIE


révolutionnaire : « Il va, par des chemins où soufflent la haine et la colère, à la détresse et à la servitude… Il accumule mensonges sur mensonges. »

On eût pu objecter à Motte qu’il n’était question ici que du collectivisme révolutionnaire ; mais c’était l’avis de beaucoup que le collectivisme était d’autant plus dangereux qu’il était moins révolutionnaire. La doctrine, même réduite à l’hypothèse, professée par un membre du gouvernement, entouré de tout un cortège officiel, a fait plus de chemin en une heure qu’en dix ans de propagande.

C’est ce que Viviani, parlant au nom des socialistes, avoua avec son ordinaire franchise. Il remercia Millerand « des belles, des fortes et honnêtes paroles » prononcées à Lille. Millerand, par ce discours, n’a pas seulement justifié « le lien qui l’unissait à son propre parti », mais encore « celui qui unissait le gouvernement aux masses populaires ». Ainsi, dans la bataille contre la réaction, « les socialistes ne demandent qu’à paraître au premier rang, assez forts pour porter seuls, si on le veut, toutes les responsabilités ».

Grosse difficulté tout de suite pour Waldeck-Rousseau. Il perd sa majorité s’il rompt avec les socialistes, et il ne veut pas être leur prisonnier, pour ne pas cesser d’être lui-même.

Il répond donc qu’aucun des membres du cabinet n’a eu à sacrifier ses opinions particulières, — « sur l’autel de la cruelle déesse du pouvoir », avait-il dit autrefois ; — que, pour lui, il n’a pas changé d’avis sur certaines doctrines, « parce qu’il redoute toujours qu’au delà d’une immense espérance, il y ait de terribles déceptions » ; mais qu’il faut juger le gouvernement sur ses actes et sur son programme. Et ce programme, c’est la laïcité de l’État, la vieille bataille

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