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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/84

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


tone, où l’accusation, selon les règles de cette littérature spéciale, ne se précise pas, reste dans le vague. Waldeck-Rousseau soupçonna bien que tout n’y était pas mensonge ; mais le vrai et le faux y étaient si étroitement, si diaboliquement mêlés, qu’il eût mieux valu qu’Esterhazy ne dît jamais la vérité et mentît toujours.

Il revient sans cesse à Henry, et c’est évidemment par calcul, pour se couvrir de lui, de l’homme, « qui a connu tous ses faits et gestes », « qui n’a jamais cessé d’être en relations avec lui », « qui, à aucun moment, n’a rien ignoré de lui » ; — mais il y a de l’obsession aussi dans cette perpétuelle évocation de l’ami dont il a été le mauvais génie et qui s’est tué à cause de lui. De tous ceux qui ont joué un rôle dans le drame, Henry est le seul dont il ne médise jamais ; tous les autres, Du Paty, Gonse, surtout Boisdeffre et Roget, sont des « misérables », des « faux témoins », de « lâches et immondes canailles » ; ils l’ont « bassement sacrifié », ont sacrifié « plus laidement » encore « l’honnête et brave soldat » qu’était Henry. — Il a lu l’étude, que je fis paraître à cette époque, sur Le Rôle d’Henry[1]. Il m’injurie à ce propos, avec son ordinaire violence ; mon étude est un « pamphlet infâme et stupide » ; pourtant, j’ai eu raison d’écrire qu’Henry et lui « ont toujours été en rapports directs et intimes[2] ». — Quand la veuve d’Henry proteste contre l’amnistie, aussitôt il surgit à ses côtés, car « il souhaite, lui aussi, écrit-il à Clamageran ; que la lumière soit faite d’une façon éclatante sur le rôle d’Henry, si intimement lié au sien[3] ». Aussi bien « tous les autres » chefs étaient également informés,

  1. Grande Revue du 1er janvier 1900.
  2. Lettres du 10 novembre, du 5 décembre 1899, du 26 janvier 1900, à Waldeck-Rousseau, etc.
  3. Lettre du 28 janvier 1899 à Clamageran.