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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Waldeck-Rousseau lui fit simplement demander s’il consentait à se dessaisir des pièces qu’il avait produites au cours de sa déposition ; nécessairement, Esterhazy refusa.

Il écrivit encore quelques lettres d’injures, réfléchit enfin qu’il perdait sa peine, chercha un autre emploi de ses facultés et ne tarda pas à trouver. Une dame française, qui tenait une maison de rendez-vous, où elle travaillait, quand il le fallait, de sa personne, le prit pour amant de cœur, recruteur et secrétaire. Le ménage marcha assez bien pendant deux ans. Elle s’aperçut alors qu’il la volait, le mit à la porte et, ayant liquidé sa maison, rentra en France où elle épousa un gendarme.

XII

La session parlementaire fut très calme. — Deschanel, réélu président, l’ouvrit par un discours sur « la terrible crise que le pays venait de traverser ». Comme il avait eu soin de ne pas s’y engager, (même avant de monter au fauteuil, où le président, en effet, « doit rester en dehors de la lutte des partis »), il put distribuer au parti de la Justice, dont avait été son père, et à l’autre, la même dose d’éloges et de regrets, d’avertissements et de conseils. Il affirma ainsi que, des deux côtés, « de nobles esprits, des consciences droites et de généreux cœurs avaient lutté et souffert », recommanda aux hommes clairvoyants, dans les deux camps, « de répudier les exagérations et les excès qui compromettent les plus respectables causes », et, saluant « la trêve de l’Exposition », demanda pourquoi elle ne durerait pas.