Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
L’AMNISTIE


définitif de la paix des intérêts, sinon des partis. Ce besoin était si profond qu’il allait suffire d’un discours défiguré et de la cabale de trois officiers contre un policier pour déchaîner tout à coup une tempête où le ministère faillit sombrer.

Waldeck-Rousseau avait salué dans l’Exposition « le témoignage de la paix morale reconquise[1] ». Loubet, parlant à la cérémonie d’inauguration, reprit la formule et l’élargit : « La France a voulu apporter une contribution éclatante à l’avènement de la concorde entre les peuples. »

L’idée d’offrir au monde convié à l’Exposition le spectacle de la réhabilitation du nouveau Calas ne pouvait venir qu’à un poète. Zola, en l’évoquant devant la commission du Sénat, n’y avait pas attaché plus d’importance qu’à une image[2]. J’avais, au contraire, dit nettement que « la France aurait mauvaise grâce à rendre ses invités témoins d’un redoutable conflit » ; cependant « le repos des esprits peut être assuré autrement que par l’amnistie ; il peut l’être également par l’armistice », la trêve des partis. Comme le seul dépôt du projet sur la cessation des poursuites a eu pour résultat de faire rayer les divers procès des rôles, rien ne presse le Sénat ; il peut ajourner la discussion de l’amnistie après l’Exposition (13 mars).

Waldeck-Rousseau connut ma déclaration par les journaux ; il eût pu inviter la commission à faire vite, Guérin à hâter son rapport ; il n’en fit rien.

Plus d’un mois après, comme j’étais retourné, pour

  1. Chambre des députés, 16 avril 1900.
  2. « On nous demande l’amnistie pour ne pas donner aux étrangers qui vont venir à l’Exposition le spectacle de nos discordes ; la France a surtout le besoin de paraître devant le monde ayant accompli sa grande œuvre de justice… » etc.