Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


mis capables de les avoir fabriquées ? — Des ennemis ! je ne crois pas avoir d’ennemis capables de me poursuivre d’une haine semblable. »

Henry, ayant noté ce dialogue, comme un procès-verbal, ajoute ce commentaire :

Je crois devoir faire ressortir que l’affirmation de M. le capitaine Dreyfus, en ce qui concerne la non-énumération des documents livrés, est absolument inexacte ; attendu qu’avant de quitter le ministère, et alors que je me trouvais dans une pièce contiguë à celle où cet officier était interrogé, j’ai parfaitement et très distinctement entendu M. le commandant Du Paty dire au capitaine Dreyfus : « Vous êtes accusé d’avoir livré à une puissance étrangère une note sur les troupes de couverture, une note sur Madagascar, un projet de manuel sur le tir de l’artillerie. » Donc, lorsque le capitaine Dreyfus affirme que le commandant Du Paty ne lui a énuméré aucun des documents en question et qu’il s’est borné à lui parler de documents secrets ou confidentiels, le capitaine Dreyfus viole sciemment la vérité[1].

Pourquoi ce mensonge, coup de massue qui écrase un peu plus l’accusé, infirme à l’avance, pour qui n’aura pas contrôlé les textes, la sincérité de ses protestations ?

Du Paty — qui le saurait mieux que lui ? — sait que ce rapport d’Henry est un mensonge. La question qu’Henry aurait « parfaitement et très distinctement entendue », Du Paty ne l’a pas posée. Cependant il accepte son rapport sans observation, le joint au dossier.

  1. Rapport du 16 octobre. — À l’instruction D’Ormescheville, Henry a ratifié son récit sous la foi du serment (Cass., II, 47). La pièce est au dossier, avec cette mention.