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LA « LIBRE PAROLE »


Patrie rassuraient les consciences : « Accablé par l’évidence, le misérable avait fait des aveux. »

Mercier restait perplexe[1] ; son indécision apparaît dans le texte de la note qu’il envoya, dans la soirée, à l’Agence Havas. Il y convenait de « l’arrestation provisoire d’un officier ». Cet officier était « soupçonné d’avoir communiqué à des étrangers quelques documents peu importants, mais confidentiels ; une solution pourra intervenir à très bref délai ».

Ainsi, non seulement Mercier réduisait l’affaire à de médiocres proportions, mais il marquait, par une dernière révolte d’honneur, que sa conviction définitive n’était point faite, qu’un non-lieu pouvait encore intervenir. Il promettait une solution, mais pas pour le lendemain,

Henry, d’autres aussi, eurent la vision de Dreyfus qui échappait.

V

Le lendemain matin[2], le journal de Drumont lança la bombe.

La manchette de la Libre Parole, en caractères d’affiche, était ainsi rédigée : « Haute trahison. Arrestation de l’officier juif A. Dreyfus. »

Le rédacteur, qui signe « Ct Z. » — Papillaud ou Biot ? — rappelle le premier article de la Libre Parole, reproduit les citations de l’Éclair et de la Patrie, la note de l’Agence Havas, puis, longuement, raconte comment

  1. Rennes, I, 91, Mercier : « J’aurais préféré que l’enquête continuât deux ou trois jours, lorsque des indiscrétions furent commises, je ne sais pas par qui… Il était important de ne pas laisser l’opinion s’égarer. »
  2. Jeudi 1er novembre.