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L’INSTRUCTION

Sur les « notes » du bordereau, tout l’effort tend à faire dire à Dreyfus qu’il connaît les sujets qui y sont traités. Il répond qu’il connaît tel des sujets mentionnés[1], qu’il ignore tel autre. Et quand il eût été au courant de tous, en eût-il résulté qu’il était l’auteur de la trahison ? Tous ses camarades ont reçu la même instruction militaire, tous connaissent, notamment, la concentration[2].

Aucune discussion plus oiseuse, moins juridique. Le traître, dans sa lettre, offre un seul document et annonce l’envoi de quatre notes. Si l’accusation peut établir que Dreyfus a détenu le document et ne l’a pas rendu, c’est une présomption. Or, l’officier qui prétend avoir prêté en juillet le manuel à Dreyfus, ajoute que celui-ci le lui a rendu presque aussitôt, et cette date de juillet renverse l’accusation. Mais qui peut dire, sauf le traître et son correspondant, ce que renferment les quatre notes ?

Ce ne sont que des « notes », c’est-à-dire des observations personnelles, ou recueillies dans une conversation ou dans un journal, et non des pièces, ou même des copies de pièces. Cela résulte à l’évidence du texte[3],

  1. Ainsi, le principe du frein de 120 court. Dreyfus dit l’avoir connu, en 1890, à Bourges. Sur quoi, Mercier à Rennes : « Il nie avoir eu connaissance de la pièce de 120 dont il a eu connaissance à Bourges. » (I, 110.) C’est exactement le contraire de la vérité. « Il y a là, poursuit Mercier, un système de dénégations générales, et universelles. »
  2. Lettre du capitaine de Pouydraguin : « Nous connaissions tous la concentration. » (Rennes, I, 115, Mercier.) De même, le capitaine Junck (Cass., I, 426.)
  3. Cass., I, 179, Picquart. — Au contraire, Cavaignac et Roget soutiennent que « le mot note s’applique dans les usages courants du ministère à des documents extrêmement importants ». (Cass., I, 18 ; I, 79 ; etc.) Mais Roget convient lui-même (I, 78) « qu’il n’y a pas eu au ministère, en 1894, de rapport ou de note sur le frein du 120 ». Donc, d’un paragraphe à l’autre, le mot note changerait de sens.