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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


qui achève de caractériser le système et l’homme.

Ainsi, tout est faux dans la prétendue démonstration de Bertillon. Il n’en est pas moins sûr que le rythme du bordereau est géométrique, et il ne lui reste plus, dès lors, qu’à en trouver l’équation. C’est la lettre du buvard, — la lettre de Mathieu Dreyfus, trouvée dans le buvard de son frère, — qui la lui fournit[1].

Ayant superposé les mots adresse et intéresse du bordereau, il a été frappé d’une autre propriété banale des écritures régulières : « certaine analogie d’espacement des lettres et des courbes. » L’idée lui vint alors de superposer au mot intérêt de la lettre du buvard les mots adresse et quelques autres du bordereau ; et, comme la superposition des jambages réussit à peu près, comme la similitude des tracés lui paraît « dépasser ce que le hasard peut offrir dans ce genre d’observations », il s’empare du mot intérêt pour y faire aussitôt les plus étonnantes découvertes : « Régularité des pulsations, équidistance des lettres ; longueur du mot égale à 12 millimètres et demi, c’est-à-dire à celle du kilomètre sur la carte de l’État-Major, au Kutsch[2], et, en outre, au rayon de la pièce de 5 centimes[3]. » Donc, le mot intérêt est l’équation du rythme, la clef du système.

Or, toutes ces observations, données comme exactes, sont encore fausses : les superpositions ne sont qu’approximatives[4], les « pulsations » du mot intérêt sont

  1. Procès Zola, I, 406 ; Cass., I, 495 ; Rennes, II, 320, 338, 369, 373, 376, etc., Bertillon.
  2. Kutsch est le nom d’un officier qui a inventé un appareil pour évaluer les distances sur la carte de l’État-Major. Cette carte étant au 1/80.000e, le kilomètre y correspond à 1 cent. 25. Cette division a reçu, par extension, le nom de Kutsch.
  3. Cass., I, 494 ; Rennes, II, 328, 363, etc., Bertillon.
  4. Rennes, II, 438 et suiv., Paraf-Javal. Je ne puis qu’y renvoyer pour le détail.