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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Voilà pourtant, en dehors de la similitude d’écriture, « le facteur sérieux à son passif[1] » : c’est son indiscrétion, sa curiosité de s’instruire, son savoir (dont il était trop fier, et qui lui a fait tant d’envieux), « toute une attitude louche qui présente une grande analogie avec celle des personnes qui pratiquent l’espionnage ». Il a gardé une amertume profonde de n’avoir pas eu, en sortant de l’École de guerre, le rang qu’il espérait : « Comme l’indiscrétion est le propre de son caractère, on n’a pas lieu de s’étonner qu’il ait connu la note secrète du général examinateur[2] ».

D’Ormescheville, enfin, affirme, à coups de possibilités, que Dreyfus, « malgré ses dénégations subtiles », était parfaitement en mesure « de fournir les notes et documents énumérés dans la lettre missive ».

Les possibilités ne comptent pas pour le savant, qu’il s’agisse de la cristallisation d’un sel ou de la liquéfaction d’un gaz ; quand il s’agit de la vie, de l’honneur d’un homme, peuvent-elles compter pour le juge ?

Dreyfus a pu connaître le frein, « si l’on considère qu’il lui a suffi de s’en procurer les éléments nécessaires, soit à la direction de l’artillerie, soit dans des conversations avec des officiers de son arme[3] ».

Le bordereau n’est donc plus l’œuvre manifeste d’un artilleur, puisqu’il suffit à n’importe qui d’avoir parlé du canon de 120 avec un artilleur ?

Pour les troupes de couverture, « il paraît impossible que Dreyfus n’ait pas eu connaissance des modifications apportées au fractionnement du commandement, le fait

  1. Cass., II, 81, Rapport : « Cette altitude a été un facteur sérieux à son passif. »
  2. Ibid, 84.
  3. En 1898 et 1899, Gonse, Pellieux et Mercier déposeront, au contraire, qu’il était très difficile de connaître le frein du 120. (Procès Zola, II, 114 ; II, 10 ; — Rennes, I, 118). Selon Mercier