Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/35

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Point de vague sans écume ; la licence est l’écume de la liberté. Le vrai danger, c’est que trop d’hommes politiques s’émeuvent des attaques de cette presse, en souffrent quand ils devraient en être fiers, et descendent aux pires bassesses pour la désarmer, ne fût-ce qu’un jour. Cette race d’aboyeurs et de sycophantes est vieille comme l’histoire : leurs calomnies, quand elles s’obstinent, sont la consécration certaine des services rendus. Aussi, les serviteurs des nobles causes ne leur opposent-ils qu’un impassible dédain ; s’ils pouvaient avoir la faiblesse de s’en attrister, le mépris aurait vite fait de les consoler. Au contraire, les médiocrités ambitieuses, que le hasard a portées aux postes les plus élevés et qui tiennent d’autant plus à y rester, tremblent devant ces condottieri de la presse. Ceux-ci appellent leurs quelques milliers de lecteurs : « l’opinion, le pays », ameutent la foule, lancent la canaille à l’assaut des renommées. Leur perpétuel chantage ne tombe que par accident sous le coup des lois. Il suffirait de passer, sans regarder et sans entendre. Mais ces petits ministres ont la peur des coups, la crainte de nouvelles meurtrissures. Ces hommes publics entrent en pourparlers avec leurs insulteurs. Et qu’ils leur jettent en pâture des institutions ou des hommes, des justes ou les garanties de la justice, aussitôt outrages et calomnies cessent de grêler sur eux. Des injures honorables aux panégy-

    un espion (Triponé) ne s’explique que par de sales histoires de cotillon. » Dans l’Autorité du 2 juin, Cassagnac écrit, au sujet de l’interpellation sur l’affaire Turpin : « Le général Mercier a donné des explications pitoyables et qui produiront un effet navrant sur l’opinion publique… Toute la responsabilité, et elle est terrible, retombe sur lui. Il devait être chassé de son banc, et il l’aurait été, si la Chambre était peuplée de députés indépendants et patriotes. »