Fabre et D’Aboville dirent comment ils avaient eu l’idée de rechercher l’écriture de Dreyfus ; le bordereau ne pouvait être que d’un artilleur, puisqu’il y était question de trois notes ou documents relatifs à l’artillerie.
Ce fut ensuite le tour d’Henry et de Du Paty.
Henry avait été délégué par Mercier pour déposer au nom du service des renseignements. Ces délégations sont ordinaires à tous les procès d’espionnage[1]. Ce n’était pas un témoin ordinaire qui dit seulement ce qu’il a vu ou entendu. Il était à la barre avec un mandat spécial. Il y était le porte-parole de Sandherr, de Boisdeffre et de Mercier.
Toutefois, dans ce premier témoignage, s’il affirma, avec l’autorité de son mandat, la culpabilité de Dreyfus, il se borna à rappeler, en quelques paroles discrètes, l’arrivée du bordereau, à insinuer que des confidences particulières corroboraient les expertises, et à rééditer son rapport mensonger du 16 octobre. Dreyfus, quand il l’avait conduit au Cherche-Midi, lui avait dit ignorer l’objet de son inculpation. Or, Henry, assistant, derrière une porte, au premier interrogatoire avait entendu, « parfaitement et très distinctement », Du Paty énumérer à Dreyfus les documents de la lettre missive.
L’accusé dénonça l’équivoque. Cela parut sans aucun intérêt.
Du Paty n’avait pas déposé à l’instruction de D’Ormescheville ; il l’avait dirigée. Officier de police judiciaire, son témoignage, selon les règles du droit civil, eût été récusé à l’audience. Son rôle prédominant dans le drame, et le bruit qu’il en avait mené, faisaient de lui, devant le tribunal militaire, l’un des principaux témoins de l’accusation.
- ↑ Cass., II, 125, lettre de Zurlinden, ministre de la Guerre, au garde des Sceaux (16 septembre 1898).