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LE PROCÈS


en présence de Sandherr, « lui disant qu’il n’en devait pas rester de traces ». Il lui ordonna ensuite de disloquer le dossier secret, lui rendit « toutes les pièces annexes pour qu’elles fussent réparties dans les différents cartons d’où elles venaient[1] ».

Mercier, pour expliquer la destruction d’une pièce ayant fait partie d’un dossier de justice (crime prévu par le Code pénal)[2], allègue tantôt qu’il la considérait comme un document personnel, sa propriété[3], tantôt que le commentaire n’avait pas de place particulière dans les différentes armoires d’où avaient été extraites les pièces secrètes[4]. Pièces bizarres, au surplus, qui, venues de tant d’armoires différentes, s’appliquaient, pour une heure, au même individu !

Mercier dit encore qu’il ignora alors (et jusqu’en 1899) « si Maurel avait ou non donné communication des pièces secrètes au conseil[5] ». Manque étrange de curiosité ! Ce pli même du dossier, le sceau rompu de l’enveloppe, crient au mensonge[6].

Tout criminel, son crime accompli, cherche d’abord

  1. Rennes, II, 221, Mercier. — Même aveu dans la lettre adressée, le 24 avril 1899, par Mercier au ministre de la Guerre : « L’original a, en effet, été détruit devant moi. »
  2. Article 439.
  3. Rennes, I, 162 ; II, 221, Mercier.
  4. Rennes, I, 163, Mercier. — Voir Appendice XVI.
  5. Rennes, I, 99, Mercier : « Ce n’est qu’après la séance de la Chambre du 5 juin de cette année, séance où ma mise en accusation devant la Haute Cour de justice a été demandée, que je me suis cru en droit d’aller trouver le colonel Maurel et de me renseigner sur ce qui s’était fait au Conseil de guerre. Je ne l’ai su qu’à ce moment. Voilà, Messieurs, la vérité sur la communication des pièces secrètes. »
  6. Le pli « fermé et scellé » (Rennes, II, 193, Maurel ; III, 512, Du Paty) renfermait une enveloppe intérieure qui portait une mention, sur laquelle Du Paty, d’ordre de Sandherr, appelle l’attention de Maurel (III, 512). Mais ce mensonge même de Mer-