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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Dupuy, en l’absence d’Hanotaux, avait pris l’intérim des Affaires étrangères. Munster lui renouvela ses protestations ; Dupuy récrimina contre les journaux, mais, pas plus qu’Hanotaux, il n’eut le courage de regarder le problème en face. Affronter la tempête populaire lui paraissait le seul péril du moment.

Les ministres se réunirent en conseil le jour de la parade d’exécution ; c’était un de leurs jours habituels de séance. Ils se félicitèrent que le dernier acte du drame eût été accompli. Comme les journaux prédisaient que Dreyfus ne serait pas plus tôt déporté à la presqu’île Ducos qu’il s’échapperait, tel Bazaine de l’île Sainte-Marguerite, avec la complicité du Gouvernement vendu aux juifs, — soit pour porter à la Prusse ceux des secrets qu’il ne lui avait pas encore livrés, soit même pour entrer avec son grade, capitaine de hulans, dans l’armée allemande, — ils décidèrent de jeter à la foule aboyante un nouvel os. Ils adoptèrent le projet de Mercier sur les îles du Salut : Dreyfus irait à l’île du Diable.

Quelques heures après, le comte de Munster communiquait à Dupuy la dépêche qu’il venait de recevoir du chancelier allemand :

« S. M. l’Empereur, ayant toute confiance dans la loyauté du Président et du Gouvernement de la République, prie Votre Excellence de dire à M. Casimir-Perier que, s’il est prouvé que l’ambassade d’Allemagne n’a jamais été impliquée dans l’affaire Dreyfus, Sa Majesté espère que le Gouvernement de la République n’hésitera pas à le déclarer.

« Sans une déclaration formelle, les légendes, que la presse continue à semer sur le compte de l’ambassade d’Allemagne, subsisteraient et compromettraient la situation du représentant de l’Empereur.

Signé : de Hohenlohe »