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APPENDICE

Cette misérable chicane avait été, au surplus, soulevée déjà devant la Cour de cassation, mais elle fut aussitôt et vivement écartée par le premier président Mazeau.

« Quand le décalque de la dépêche, raconte le Temps du 29 avril 1899, fut présenté au général Chamoin et au capitaine Cuignet, ces deux officiers s’en montrèrent d’abord assez troublés. Puis, ils se résolurent à dire qu’il ne leur paraissait pas que ce fût là l’écriture de M. Panizzardi. Cette réserve amena M. le premier président Mazeau à leur répondre : « Ah ! non ! Nous ne pouvons pourtant pas accuser de faux toutes les institutions de l’État, les unes après les autres, l’administration des Postes après le ministère des Affaires étrangères. »

Aussi bien est-il impossible d’imaginer par qui et dans quel intérêt le décalque de la dépêche du 2 novembre aurait été falsifié.

Par Hanotaux en 1894 ? Il ne connaissait pas le chiffre italien ; les cryptographes du ministère des Affaires étrangères mirent plusieurs jours à le découvrir. Par Delcassé en 1899 ? Le document, qui a été communiqué à la Cour de cassation, est le décalque même qui fut pris sur l’original, le 2 novembre 1894, ainsi qu’il résulte des cachets dont il est muni et de la lettre adressée par le chef de cabinet du sous-secrétaire d’État des Postes, le 22 avril 1899, à la Cour de cassation.

Alléguera-t-on que ce décalque n’est pas identique à l’original dont la destruction a été opérée par l’administration au bout du temps réglementaire ?

À quoi il suffit de répondre que l’exactitude de la traduction de la dépêche a été reconnue par le colonel Panizzardi lui-même qui n’avait fait, d’ailleurs, que répéter, dans ce télégramme, ce qu’il avait écrit, la veille, au général Marselli : « L’arrestation du capitaine Dreyfus a produit, ainsi qu’il était facile de le supposer, une grande émotion ; je m’empresse de vous assurer que cet individu n’a jamais rien eu à faire avec moi[1]. »

  1. Cass., I, 400.