Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/65

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« effrayant[1] ». Gribelin rentre, sur ces entrefaites, dans le bureau[2]. Il rapporte seulement que le bordereau étonna Lauth[3]. Rien de Matton, qui n’a jamais rien dit et n’a jamais été invité à parler.

Selon Gribelin, les quatre officiers « n’hésitèrent pas une seconde à attribuer le bordereau à un officier d’État-Major et à un officier d’artillerie[4] ». Selon Lauth, ils échangèrent seulement quelques réflexions : « D’où cela peut-il venir ? Qu’est-ce que cela peut être ? Quel peut être l’auteur de ce papier ? D’où peuvent provenir les indiscrétions[5]? »

À en croire Lauth, « la conversation dura quatre ou cinq minutes ». Puis, chacun se rendit à son travail, « et il ne fut plus question du bordereau[6]». C’était faire montre de peu de curiosité. Ces jeunes chefs avaient pris aisément leur parti d’une trahison qu’Henry avait qualifiée d’effrayante et qui n’avait pu être commise que par un officier.

Ou bien, il faut supposer, déduire de tant de contradictions et d’invraisemblances et du mutisme de Matton[7], que les choses ne se sont pas passées ainsi. Toute cette scène a été inventée après coup. Les officiers du bureau n’auraient été prévenus que dans le courant d’octobre, par Sandherr ou par Cordier, quand l’affaire com-

  1. Cass., I, 412, Lauth.
  2. Cass., I, 431, Gribelin. — À Rennes, variante : « Nous regardions le bordereau quand Lauth est arrivé. » (I, 593.) Cette variante est contradictoire au récit de Lauth qui dit : « Quelques instants après, M. Gribelin est arrivé. » (Rennes, I, 608.) Et de même, devant la Cour de cassation (I, 412).
  3. Rennes, I, 593, Gribelin.
  4. Ibid.
  5. Rennes, I, 608, Lauth. De même, Cass., I, 412.
  6. Rennes, I, 608, Lauth.
  7. Matton n’a déposé qu’au second procès de revision. Voir t. VI, 439, note 1.