Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
LE BORDEREAU


passionné pour son métier, sans besoins, sans vices. Il l’avait fréquenté, avait paru le goûter. Ses notes, enfin, étaient là, qui, toutes, sauf une seule, d’ailleurs point méchante et visiblement tendancieuse, parlaient pour lui. C’est cet officier, d’un si brillant avenir, qui, du soir au matin, sans raison, pour le plaisir, serait devenu espion et traître !

À cette heure, pour l’accuser, le jeter au gouffre, rien d’autre, qu’une analogie d’écriture.

Qu’est-ce que Boisdeffre a dit à Mercier ?

L’a-t-il excité ou retenu ?

Mercier a laissé raconter, plus tard[1], qu’au nom de Dreyfus, dès qu’il en fut instruit, il s’était écrié : « Je le savais déjà. » Mais ses propres dépositions démentent ce récit.

VIII

Mercier fit-il observer à Boisdeffre que les officiers qui accusaient Dreyfus n’étaient point experts, qu’il serait nécessaire de s’adresser à quelqu’un de sûr et qui posséderait quelque compétence spéciale ? Ou cette initiative vint-elle de Boisdeffre ? Toujours est-il que, ce même jour, Gonse fit appeler le commandant Du Paty de Clam[2], qui passait pour avoir des connaissances graphologiques et s’en targuait, littérateur décadent et un peu spirite. Il l’invita à examiner le bordereau et un spécimen de l’écriture du capitaine Dreyfus[3].

Du Paty aimait à se mettre en avant. Il faisait partie

  1. Éclair au 14 septembre 1896.
  2. Cass., I, 122, Picquart,
  3. Rennes, III, 505, Du Paty, commission rogatoire.
5