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Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/102

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L’attention est soutenue, dans les vers, par l’amusement de l’oreille. La prose n’a pas ce secours ; pourrait-elle l’avoir ? J’essaie ; mais je crois que non.

Je voudrais tirer tous mes effets du sens des mots, comme vous les tirez de leur son ; de leur choix, comme vous de leur multitude ; de leur isolement lui-même, comme vous de leurs harmonies ; désirant pourtant aussi qu’il y ait entre eux de l’harmonie, mais une harmonie de nature et de convenance, non d’industrie, de pur mélange ou d’enchaînement.

Ignorants, qui ne connaissez que vos clavecins ou vos orgues, et pour qui les applaudissements sont nécessaires, comme un accompagnement sans lequel vos accords seraient incomplets, je ne puis pas vous imiter. Je joue de la lyre antique, non de celle de Timothée, mais de la lyre à trois ou à cinq cordes, de la lyre d’Orphée, cette lyre qui cause autant de plaisir à celui qui la tient qu’à ceux qui le regardent, car il est contenu dans son air, il est forcé à s’écouter ; il s’entend, il se juge, il se charme lui-même.