Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/142

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une austérité qui circonscrit sans cesse la volonté dans le devoir ; leur entendement, enfin, a des habitudes plus chrétiennes. Mais ils semblent aimer Dieu sans amour, et seulement par raison, par devoir, par justice. Les jésuites, au contraire, semblent l’aimer par pure inclination, par admiration, par reconnaissance, par tendresse, enfin par plaisir. Il y a de la joie dans leurs livres de piété, parce que la nature et la religion y sont d’accord. Il y a, dans ceux des jansénistes, de la tristesse et une judicieuse contrainte, parce que la nature y est perpétuellement mise aux fers par la religion.

Les jansénistes disent qu’il faut aimer Dieu, et les jésuites le font aimer. La doctrine de ceux-ci est remplie d’inexactitudes et d’erreurs peut-être ; mais, chose singulière, et cependant incontestable, ils dirigent mieux.

Les jansénistes aiment mieux la règle que le bien ; les jésuites préfèrent le bien à la règle. Les premiers sont plus essentiellement savants, les seconds plus essentiellement pieux. Aller au bien par toute voie, semblait la devise des