Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/150

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Je disais bien : la matière est une apparence ; tout est peu, et rien n’est beaucoup ; car qu’est-ce que le monde entier ? J’y ai pensé, je le crois, je le vois presque, et je le dirai hardiment. Le monde entier n’est qu’un peu d’éther condensé, l’éther qu’un peu d’espace, et l’espace qu’un point, qui fut doué de la susceptibilité d’étaler un peu d’étendue, lorsqu’il serait développé, mais qui n’en avait presque aucune, quand Dieu l’émit hors de son sein. Newton lui-même le disait : « quand Dieu voulut « créer le monde, il ordonna à un morceau « d’espace de devenir et de rester impénétrable. » avec ses gravitations, ses attractions, ses impulsions et toutes ces forces aveugles dont les savants font tant de bruit ; avec les énormes masses qui effraient nos yeux, la matière tout entière n’est qu’une parcelle de métal, qu’un grain de verre rendu creux, une bulle d’eau soufflée, où le clair-obscur fait son jeu ; une ombre, enfin, où rien ne pèse que sur soi, n’est impénétrable qu’à soi, n’attire ou ne retient que soi, et ne semble fort et immense qu’à l’extrême exiguité, à la petitesse