Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/214

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les germes, et les dépose au centre de notre existence, loin des agitations qui se font à notre surface. Elle nous fait vivre à l’ombre d’un ornement mystérieux, tant que nous sommes trop sensibles et ne sommes pas achevés, afin que les développements qu’elle prépare à cette époque puissent se faire en sûreté dans nos capacités modestes, et n’y soient pas interrompus par les impressions trop nues des passions dures et fortes qui s’exhalent des autres êtres, et qui émanent de tous les corps.

Comme les molécules qui causent nos sensations, si elles entraient, sans retardement, dans cet asile ouvert à toutes les invasions, détruiraient ce qu’il contient de plus tendre, en livrant notre âme à l’action de la matière, la nature leur oppose un rempart. Elle environne d’un réseau inadhérent et circulaire, transparent et inaperçu, cette alcôve aimante et vivante, où, plongé dans un demi-sommeil, le caractère en son germe reçoit tous ses accroissements. Elle n’y laisse pénétrer qu’un demi-jour, qu’un demi-bruit, et que l’essence pure de toutes les affections. Elle oppose une retenue à toutes nos sensations, et nous arme