Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/435

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Malheureux le sage qui vivrait au milieu d’un peuple vieilli dans ses habitudes perverses, gâté, flatté, endurci, incorrigible ! Il serait privé du plus grand de tous les plaisirs, celui d’aimer et d’estimer la multitude. Les vices des rois donnent aux grands hommes de saintes et vives colères ; mais ceux du peuple les désolent, quand ce peuple est son propre maître, et qu’on ne peut s’en prendre qu’à lui de ses malheurs et de ses fautes.

Il est lâche et tyrannique d’attaquer, dans des temps et dans des lieux où personne ne peut les défendre, des opinions qui ont régné et servi longtemps de trophée à la sagesse des temps anciens. C’est se battre à jeu sûr, et chercher un triomphe honteux.

Si vous appelez vieilli tout ce qui est ancien ; si vous flétrissez d’un nom qui porte avec lui une idée de décadence et un sentiment de dédain, tout ce qui a été consacré et rendu plus fort par le temps, vous le profanez