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M. Joubert, quoique absent, avait plus d’une fois trouveplace dans leurs entretiens. Malgré l’heureuse compensation que l’exil venait de lui offrir, M. de Fontanes, en effet, n’avait garde d’oublier les entretiens interrompus de son plus ancien ami. « Si je suis la seconde personne, » lui écrivait M. de Chateaubriand, « à laquelle vous ayez « trouvé quelques rapports d’âme avec vous (l’autre personne était M. Joubert), vous êtes la première qui ayez « rempli toutes les conditions que je cherchais dans un « homme. » Mais dès qu’ils avaient pu se rejoindre en France, les deux compagnons d’exil étaient venus, un matin, chercher M. Joubert dans sa bibliothèque de la rue Saint-Honoré, et M. de Chateaubriand n’avait guère tardé à reconnaître qu’un autre homme se trouvait là qui pouvait répoudre aussi aux exigences de l’amitié la plus difficile.

Cette bibliothèque, puisque j’en ai parlé, mérite que je m’y arrête un instant, car une grande partie de la vie de M. Joubert s’y est écoulée. Aussitôt que le retour de l’ordre le lui avait permis, il était venu s’établir à Paris, dans une maison possédée par la famille de sa femme, près du lieu où s’est ouvert depuis le passage Delorme. Là, tout au sommet, le plus haut qu’il avait pu, il avait fait disposer une galerie où, suivant son vœu, « beaucoup de ciel se mêlait à peu de terre. » C’était l’asile préparé à ses rêveries, le temple élevé à ses écrivains chéris. Ou y trouvait peu d’ouvrages modernes ; mais les siècles de Louis XIV, d’Auguste et de Périclès y tenaient une grande place, à côté de l’Histoire ecclésiastique, de la Métaphysique, des Voyages et, ledirais-je, des Contesdefées, récits merveilleux et naïfs où sa raison aimait à se distraire. H