Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/74

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main itr fer, dans son inaction fatale. En étudiant plus tard ce caractère étrange, que je me sentais, au surplus, moins disposé à blâmer qu’à plaindre, je me suis demandé souvent s’il n’y avait pas en nous un secret ressort destiné à nous pousser à l’action, qui pouvait être détendu, irrégulier dans son jeu, rebelle à nos volontés mêmes, et qui, en laissant subsister virtuellement toutes nos belles dispositions, leur refusait le moyen de se réaliser dans la pratique. Telle était du moins cette organisation malheureuse. C’était là la douleur de M. Joubert, l’épine cachée sous sa couche. Tout le reste était bonheur autour de lui.

Peu d’années après son mariage, il était parvenu à fixer près de lui le plus jeune de ses frères (1), en l’unissant à la nièce de sa femme. Ils ne formaient ensemble qu’une famille, vivant sous le même toit, réunie à la même table, et confondant, jusqu’à la fin, ses intérêts de fortune dans l’indivision des patrimoines. Il ne m’est pas permis sans doute de parler avec une égale liberté des deux chefs de cette communauté où le sort m’a depuis donné place. L’un d’eux a disparu ; l’autre est près de moi, et des nœuds si étroits nous lient qu’ils retiennent la voix même de la reconnaissance. Je ne saurais m’empêcher de remarquer, cependant, que ce dernier ne devait pas uniquement à la protection commandée par la différence des âges, les témoignages de vive affection qu’il recevait de son frère. Il existait entre eux de secrètes sympathies qui, à leur insu peut-être, les unissaient par

(1) M. Arnaud Joubert, avocat-général, puis conseiller !i la Cour de cassation.