Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/83

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gloire d’une œuvre toute nouvelle. Au milieu de ces matériaux jusque-là négligés, une révélation inattendue, mais décisive, s’offrait à moi. M. Joubert avait écrit à la bâte, probablement vers la fin de sa vie, une noie demeurée incomplète et que je transcris néanmoins, comme un témoignage de ses volontés dernières : « Si je meurs « et que je laisse quelques pensées éparses sur des objets « importants, je conjure, au nom de l’humanité, ceux « qui s’en verront les dépositaires de ne rien supprimer de ce qui s’éloignera des idées reçues. Je n’aimai « pendant ma vie que la vérité ; j’ai lieu de penser que « je l’ai vue sur bien de grands objets ; peut-être un de « ces mots que j’aurai jetés à la hâte… » 11 n’achevait pas ; mais en fallait-il davantage pour prouver qu’il avait compté sur l’avenir ? Si la force, la santé, le temps lui avaient manqué, il n’avait point désespéré du moins du zèle de quelque éditeur posthume. La fortune sans doute ne l’avait pas trahi ; une amitié généreuse venait d’exaucer splendidement son dernier vœu, et désormais son œuvre était garantie de l’oubli. Cependant elle n’était pas sauvée tout entière. Après l’association du nom fameux qui devait protéger le sien contre l’abolition du temps, il restait à accomplir une tâche de minutieuses recherches, d’attentive restauration, un travail de mosaïque littéraire qu’une longue patience et un dévouement pieux pouvaient seuls accepter. Cette mission, peut-être au-dessus de mes forces, me semblait du moins faire partie de mes devoirs ; encore souffrant à cette époque, mon beau-père voulait bien la remettre à mon zèle. Il désirait de voir mon nom se rattacher au sien par un lieu He plus. 3e ne pouvais donc hésiter.