Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/121

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disponible, c’est-à-dire lorsqu’on peut la détacher et la placer à volonté.

Ce sont les pensées seules et prises isolément qui caractérisent un écrivain. On a raison de les nommer des traits et de les citer ; elles montrent la tête et le visage, pour ainsi dire ; le reste ne fait voir que les mains.

Rien ne se groupe, ne se drape et ne se dessine dans l’esprit de certains écrivains.

Leurs livres offrent une surface plane, sur laquelle roulent des mots.

Faire d’avance un plan exact et détaillé, c’est ôter à son esprit tous les plaisirs de la rencontre et de la nouveauté dans l’exécution ; c’est se rendre cette exécution insipide, et par conséquent impossible, dans les ouvrages qui dépendent de l’enthousiasme et de l’imagination. Il n’en est pas de même dans les œuvres dont l’achèvement dépend de l’œil ou de la main. Les formes et les couleurs qui naissent à chaque instant, sous le ciseau du