Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/186

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pénible, et comme il lui a été pénible à construire, il est pénible à entendre. De là vient sans doute qu’il a pris souvent son opération pour sa matière. Il a cru se construire des idées, en ne se construisant que des mots. Ses phrases et ses appréhensions ont quelque chose de tellement opaque, qu’il ne lui était guère possible de ne pas croire qu’il s’y trouvait quelque solidité. Nos transparences et nos légèretés nous trompent moins. Il y a un sujet à traiter ; le voici : « des tromperies que l’esprit « se fait à lui-même, selon la nature du « langage qu’il emploie. » on est perpétuellement tenté de dire à Kant : « dégagez l’inconnue " ; on ne la voit jamais.

Kant a toujours devant les yeux quelque lueur, mais jamais aucune clarté : « je me « pique », dit-il quelque part, " d’ignorer ce « que tout le monde sait. » il est, au reste, doué de la faculté de se représenter longtemps ses propres abstractions, et de leur donner à ses yeux de la consistance et une durée presque absolue. Il a une grande puissance et une