Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/193

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éclairent peu. C’est un esprit plein de prestiges ; il en aveugle ses lecteurs. On apprend plus à être roi dans une page du prince que dans les quatre volumes de l’esprit des lois.

Montesquieu avait les formes propres à s’exprimer en peu de mots ; il savait faire dire aux petites phrases de grandes choses.

La phrase vive de Montesquieu a été longtemps méditée ; ses mots, légers comme des ailes, portent des réflexions graves. Il y a en lui des élans, comme pour sortir d’une profondeur.

Voltaire a répandu dans le langage une élégance qui en bannit la bonhomie. Rousseau a ôté la sagesse aux âmes, en leur parlant de la vertu. Buffon remplit l’esprit d’emphase.

Montesquieu est le plus sage ; mais il semble enseigner l’art de faire des empires ; on croit l’apprendre en l’écoutant, et toutes les fois qu’on le lit, on est tenté d’en construire un.