Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/232

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la souffrance y est sans relâche, le délire perpétuel, et la vertu elle-même, soit par les choses qu’elle éprouve, soit par les sentiments qu’elle inspire, y est incessamment souillée. Il n’est pas une héroïne de ces livres dont on ne puisse dire avec raison : c’est une rose sur laquelle on a marché.

J’ai vu les loges de la Salpêtrière et les fureurs de la révolution, et il me semble toujours, par une liaison d’idées dont je ne distingue que le nœud, apercevoir, au fond de ces scènes monstrueuses, la chemise des folles et la houppelande de Marat. Je crois même y respirer quelque chose de l’odeur de ce livre infect, qui porte un beau mot dans son titre et un cloaque dans son sein. Ces livres honnêtes et ce livre infâme, que je ne veux pas nommer, de peur que l’air n’en soit souillé, sont nés visiblement sous la même atmosphère et dans le temps de la même peste ; ces papiers-là se sont touchés : ils sont marqués des mêmes taches, mélanges d’amour et de sang.

Que si cette comparaison indigne les âmes délicates, je leur dirai qu’elle m’indigne aussi ; mais elle se fait malgré moi ; je l’écarte, et elle me poursuit… tant l’abîme appelle l’abîme, tant l’horreur appelle l’horreur !