Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/255

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‘ 247 d'une belle pensée. Cela est d’autant plus probable, que , depuis quelque temps , je ne travaille lt expri- mer que des cboses inexprimables. Je m’occupais , ces jours derniers , a examiner net- tement comment était fait mon cerveau. Voici comment je le concois. Il est surement composé de la substance la plus pure , et a de hauts enfoncements; mais ils ne sont pas tous égaux. Il n’est point du tout propre a toutes sortes d’idées. Il ne l’est point aux longs travaux. Si la moelle en est exquise, l’enveloppc n’eu est pas forte, la quantité en est petite , et ses ligaments l’ont uni aux plus mauvais muscles du monde. Cela me rend le gout tres—difIicile , et la fatigue insupportable; cela me rend en méme temps opiniatre dans le travail, car je ne puis me reposer que quand fatteins ee qui m’é— chappe. Mon ame chasse aux papillons , et cette chasse me tuera. Je ne puis ni rester oisif , ni suffire a mes mouvements. Il en résulte , pour me juger en beau , que je ne suis propre qu’a la perfection; du moins , elle mc dédommage, lorsque je puis y parvenir, et d’ailleurs elle me repose , en m’interdisant une foule d’entreprises; peu d’ouvrages et de matieres , en elfet , sont suscepti- bles de l’admettre. La perfection m’est analogue , car elle exige la lenteur autant que la vivacité. Elle permet qu’on recommence , et rend les pauses nécessaires. Je veux , vous dis-je , étre parfait. Cela seul me sied et peut me contenter. Je vais done me faire une sphere un peu céleste et fort paisible, ou tout me plaise et me rappelle , et dont la capacité, ainsi que la tempe- rature , se trouve exaotement conforme a l’étendue et a la nature de mon pauvre petit cerveau. Je pretends ne plus rien écrire que dans l’idiome de ce lieu. .l’y veux