Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/270

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262 point, tous mes biens auraient des épines , et tous les plaisirs de mon ame seraient gates par un remords. Quiconque chante pouilles a Benjamin Constant , sem- ` ble prendre une peine et se donner un soin dont j’étais charge : je me sens soulagé d’autant. Je crois donc vous devoir de la reconnaissance, a madame de Beaumont et a vous; a elle, de tout le mal qu’elle m’en dit, et a vous, Madame , de celui que vous en pensez. Cet homme est pour moi

Comme un violon faux qui jure sous l'archet,

tout ce qu’il dit me blesse l’esprit. D’abord il écrit mal, tres-mal , et en vrai suisse it pretentious. ll exprime avec importance , et avec une sorte de perfection travaillée , des pensées extrémement communes , signe de médiocrité Ie plus grand que je connaisse. Ensuite je ne crois pas qu’il y ait rien au monde de plus insupportable ct de plus révoltant que le faux dans l’erreur. Or, Madame , examinez les erreurs de Benjamin Constant, ct dites·moi si vous croyez qu’elles soient en lui un elfet de la bonne foi , et une simple méprise de l’esprit. On sent qu’elles lui viennent du cmur , ct que son ambition les a fabriquées de toutes pieces. J’avais lu deja plusieurs ms: ;s; de son livre , quand madame de Beaumont a eu la bonté de me le faire parvenir. J’avais trouvé et je trouve le choix de ses expressions et de ses tournures mauvais on déplace , et le choix de ses opinions encore plus insoutenable. Dans cet ouvrage , tout repousse l’indulgence; tout y tend a détruire Phumanité. Vous voyez a ma colere que je dois m’interdire d’en parler. Je lui préfere mille fois la bonne gouvernante de madame de Beaumont, dont je ne parle pas, mais que j’ai vue avec