Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/279

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27l XXI. _ Villeneuve-sur·Yo¤ne , 20 avril 1799. A madame de Beaumont, d Paris. Vous vous occupez peut—étre en ce moment du triste soin de m’annoncer Pévénement qui vous atllige. Je le sais deja; Desprez est venu hier me l’apprendre. Ayez soin de vous·méme , ménagez-vous , prenez de loin des precautions pour arranger un jour votre aven ir , et reve- nez dans ce pays au plus tot, si vous étes peu nécessaire a vos atfaires dans les lieux ou vous étes. Ne revoyez plus Theil; venez pres de nous. Nous parlerons a notre aise de eelle qui n’est plus , et dont personne dans le monde , pas meme vous , ne pourra regretter la perte , autant qu’elle l’eut mérité, si sa destinée cut permis in ceux qui l’aimaient , de ne s’occuper que de ses qualités. Il est impossible de se désoler autant qu’on le voudrait, et j’a.vdue que cette réilexion me désespere. Le cinur et la mémoire, le jugement et le sentiment se heurtent l’un contre l’autre , dans ce premier moment. Le temps épu- rera les souvenirs , et je suis persuade que , dans dix ans , l’idée de cette pauvre Grande sera plus doucement et plus intimement présente a la pensée de ses amis , qu’elle ne peut l’étre aujourd’l1ui. Il est des douleurs que les amos délicates doivent ajourner, passez·moi ee mot trop moderne , pour les éprouver plus entieres , plus parfaites , plus absolues. Ne vous livrez pas a la votre a contre-temps. Pensez aux enfants; quand ils auront de stirs appuis', nous pleurerons alors leur mere. Pour moi, j’ai trouvé une maniere de penser a elle , qui n’est point ‘ it votre usage , et qui me permet de me livrer,· sans me- '