Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/339

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femme aimable occupait pour moi dans le monde ! Chateaubriand la regrette siirement autant que moi, mais elle lui manquera moins longtemps. Je n’avais pas eu de- puis neuf ans une pensee ou elle ne se trouvat de maniere ou d’autre en perspective. Ce pli ne s’eil`acera point, et _ je n`aurai pas une idee a laquelle son souvenir et l’afllic- tion de son absence ne soient meles.

Vous aurez la relation de ses derniers moments , aussitôt que vous aurez indique a mon frere un moyen peu couteux pour vous de vous la faire parvenir. Rien au monde n’est plus propre a faire couler des larmes que ce recit ; cependant il est consolant. On adore ce bon garcon (4) en le lisant; et quant a elle , on sent, pour peu qu’on l’ait connue , qu’elle ent donne dix ans de vie pour mourir -si paisiblement et pour etre ainsi regrettee. Je serais desole aujourd’hui qu’elle n’eiit pas fait ce voyage, qui m’a cause tant de tourment.

La position de notre ami m’a cause aussi bien des peines pendant longtemps. Calomnie de toutes parts, il ·a eu un temps de disgrace presque effrayant; mais il n’en a rien su que tard , et il ignore meme en ce moment ce mal passe. Vous avez su qu’il est reste presque en faveur, puisqu’on en fait un presque ambassadcur. Nous allons bientôt le revoir, car il n’ira point a son poste sans avoir pris des instructions qui le retiendront peut-etre a Paris plus longtemps que nous ne pensons. Je l'attends dans le cours du mois.

Je suis oblige d’effacer des details de sa position qui viennent au bout de ma plume , mais qui seraient infinis

(1) M. de Chateaubriand. — On aime ces familiarites qui font retrouver l’homme. (Note de M. de Sainte·Beuve.)