Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/355

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3L7 partout de l’or. lla fait resplendir , par l’usage , jusques _ aux mots qui sont de fer, . . . ct sulco attritus aplcndcscero vomcr. ’Les exemples en sont partout, et j’aimerais a les eiter, si fen avais le temps. Padmire comment le public sent quelquefois son homme! On a souvent compare celui-ci ia Virgile; il ne lui a jamais ressemblé qu’en traduisant Milton. Ses Géorgiques sont bien loin de cette souplesse de veine, de cette vie et de ce charme. Les vers de Vir- gile sont de chair, et il les avait faits de marbre; mais eeux de Milton sont d’acier, je le parie , et il les a faits d’argent pur. Il y a bien, par-ci, par-la, quelques pom· puns, quelques aigrettes; mais il faudrait étre insensible aux vraies beautés, pour prendre garde a ees clinquants. _ Cet homme aura , plus que tout autre , révélé a la langue franqaise ses richesses et ses couleurs. Il aura, le pre- _ mier, montré comment on peut nous faire lire, sans fati- gue et sans ennui , une longue suite de vers sérieux , sc- cret qui consiste tout simplement a les faire si beaux, que Pesprit, toujours entralné , se repose toujours , en s’ar-· rétant dans son plaisir. Je ne sais pas s’il a traduit Mil- ton exactemcnt; mais je suis sur qu’il lui a donné des sons qui lui manquaient , et un éclat qu’il n’avait pas. · Il m’a fait aimer et admirer ce bizarre genie, qui m’avait toujours repoussé , je vous l’avoue. Jamais il ne m’avait été possible d’achever ce Paradis perdu , ou je suis en- eore choqué de voir le diable mis en parallele avec Dieu. Je sens aujonrd’hui qu’il doit mériter sa renommée. En- iin, jiapprends qu’il est possible de tradnire les poetes en vers, ce que je ne croyais pas du tout. Mais je crois aussi que l’on ne peut bien traduire que les poetes imparfaits. Digiiizsu by Gccgle