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qui j’ai toujours été tenté de reprocher de ne l’avoir pas dit pour vous.


LXXVI.


Paris, 21 juillet 1817.
À madame de Vintimille.

Vous m’avez écrit, à pareil jour, il y a un an, une lettre bien aimable, que je reçus en silence, mais non pas certes avec insensibilité.

Il y avait dans cette aimable lettre, si digne de reconnaissance et si propre à me causer de grands plaisirs, un passage qui me fit une peine extrême, et dont je ne vous ai jamais rien dit. Il faut que j’en parle aujourd’hui, et que je soulage, en l’exhalant, ma douleur trop longtemps muette. Je me plaindrai en peu de mots.

Par un anachronisme qui me fait frémir le cœur, vous confondiez , dans une commémoration dont j’étais d’ailleurs très-flatté, deux époques très-différentes, quoique également mémorables pour moi, le 6 de mai 1802 et le 22 juillet, c’est-à-dire, le jour ou je vous vis pour la première fois , et le jour où j’ai le mieux connu le bonheur qu’on trouve à vous voir, en me promenant avec vous et Chateaubriaud dans une certaine allée des Tuileries, qui semble faite exprès pour s’y promener en rêvant, ou je me promène souvent, et que je trouve toujours, comme je vous l’ai dit plus d’une fois, tout embaumée de votre souvenir. C’est là (et ne l’oubliez plus) l’événement qui m’a rendu sacré le jour de Sainte-Madeleine. C’est là aussi ce qui m’a fait tant aimer les tubéreuses, dont je vous donnai ce jour-la un beau bouquet, et c’est en l’honneur de ce beau bouquet que je m’en donne un pareil