Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/473

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465 grets de ne pouvoir plus vous dire ni vous écrire , sans reserve , tout ce que je pense. Réduit a ce demi-silence par la paresse de ma main , devenue incurable a force d’étre invétérée , par la faiblesse de ma poitrine , qui ne me permet presque plus que d’étre écouteur, dans les en- tretiens ou je prends le plus ·de plaisir, et entin , par la nature des temps ou nous vivons , et qui out tant de faces qu’il est impossible de les voir sous le meme aspect, si on n’est pas précisément place dans le meme point de perspective , ni d’en parler diversement sans se divisor, si l’un des deux prend , comme vous , aux hommes qui y iouent un role, un intérét que l’autre ne partage pas. En- iin , je voulais encore une fois vous montrer a découvert et sans nuages ce cmur ou vous avez régné , et cette ame , toujours la meme , oin les souvenirs agréables sont empreints pour l’éternité. Mais je l’ai éprouvé et je l’ai dit plus d’une fois : il faut du temps pour dtrc sincérc, c’est— a·dire, pour savoir exprimer au juste tout ce qu’on pensc et tout ce qu’on sent. Je renonce done a la grande lettre, réservant pour des temps meilleurs , s’il en arrive , tout ce qu’elle out pu contenir, et je hate l’envoi d’un livre qui, je l’espere , vous causera quelque plaisir. I’espere aussi que vous n’auroz pas eu le temps d’en connaitre Pexistence, ni d’en avoir la possession par.quel- que autre voie que ce soit. S’il en était autrement, j’en se- rais désolé. Mais , en ce cas , je garderais pour moi cet exemplaire, et je vous chercherais quelque autre étrenne. Je devance le 4** janvier 4824 pour vous présenter celle- oi , de peur qu’on ne me gagne de vitesse. Pattacberais un grand prix a placer le Premier ce gros volume dans votre bibliothèque.

C’est un fatras délicieux, une énorme meule do foin, ou