Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/57

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Un seul beau son est plus beau qu’un long parler.

Les plus beaux sons, les plus beaux mots sont absolus, et ont entre eux des intervalles naturels qu’il faut observer en les prononçant.

Quand on les presse et qu’on les joint, on les rend semblables à ces globules diaphanes, qui s’aplatissent aussitôt qu’ils se touchent, perdent leur transparence, en se collant les uns aux autres, et ne forment plus qu’un corps pâteux, quand ils sont ainsi réduits en masse.

Pour qu’une expression soit belle, il faut qu’elle dise plus qu’il n’est nécessaire, en disant pourtant avec précision ce qu’il faut ; qu’il y ait en elle abondance et économie ; que l’étroit et le vaste, le peu et le beaucoup s’y confondent ; qu’enfin le son en soit bref, et le sens infini. Tout ce qui est lumineux a ce caractère. Une lampe éclaire à la fois l’objet auquel on l’applique, et vingt autres auxquels on ne songe pas à l’appliquer.