Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/70

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son, d’une certaine couleur, d’une certaine forme, et à des tournures de style, à des coupes de phrase où l’on reconnaît sa main, et dont il s’est fait une habitude. Il a, en quelque sorte, sa grammaire particulière, sa prononciation, son genre, ses tics et ses manies.

Il est des mots saillants qui s’emparent de l’attention au point de la détourner de la pensée.

Ils sont propres surtout à manifester les attitudes et les mouvements de l’esprit, opérations aussi agréables et aussi importantes à connaître que les pensées elles-mêmes.

On reconnaît souvent un excellent auteur, quoi qu’il dise, au mouvement de sa phrase et à l’allure de son style, comme on peut reconnaître un homme bien élevé à sa démarche, quelque part qu’il aille.

Quand votre phrase est faite, il faut lui ôter avec soin les coins et les autres empreintes de votre calibre particulier. Il faut l’arrondir, afin qu’elle puisse entrer facilement