Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/111

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L’œuvre des Félibres est immense. Songez que dans le recueil de Portai, La Letteratura provenzale moderna, publié à Palerme en 1893, il n’y a pas moins de 350 noms de poètes ou écrivains provençaux portés à l’index alphabétique. Trois noms glorieux émergent de cette foule, les noms de Roumanille, d’Aubanel et de Mistral. Mais vous n’attendez pas de moi une analyse exacte de leurs œuvres. J’aime mieux vous en lire quelques extraits, et aborder immédiatement après les conclusions qu’il importe de tirer de notre courte étude……

L’œuvre de la renaissance provençale a-t-elle abouti ? Le serment littéraire, prononcé par les Sept Félibres d’Avignon au château de Font-Ségugne, a-t-il été tenu? Pour répondre à cette question, nous serons tout d’abord obligés de la diviser.

1°. Si les Félibres, placés exclusivement au point de vue littéraire, se sont simplement proposé d’écrire de belles œuvres, ils y ont admirablement réussi, et notre réponse ne pourra être qu’affirmative.

2°. Mais s’ils ont voulu entraîner à leur suite le peuple de Provence, opposer une barrière à l’invasion conquérante du français, et faire œuvre, non de séparatisme, mais de décentralisation, en gardant intactes les mœurs locales, en veillant à ce que l’âme provençale ne soit pas « déracinée », pour employer une expression qui a été récemment mise à la mode par un roman de M. Maurice Barrès, eh bien, non, il faut le reconnaître franchement, les Félibres n’ont pas abouti sur ce point, et nous examinerons tout-à-l’heure s’il convient de nous en plaindre ou de nous en féliciter.

Nous résumerons d’un mot notre réponse: succès au point de vue littéraire, échec au point de vue social.

Et il n’est pas difficile de trouver les raisons qui expliquent l’un et l’autre. Plaçons nous d’abord au point de vue littéraire.

Le mouvement poétique, propagé par le Romantisme,