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Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/43

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Le cheval de Tiphaine, dans l’Aigle du casque, est noir et blanc :

« Il semble que le ciel sombre ait laissé tomber

Des nuages mêlés de lueurs sur sa croupe. »
De Victor Hugo on peut dire ce qu*il dit lui-même de Jupiter, dans le Satyre :

« Sa rêverie, où l’ombre affreuse venait faire
Des taches de noirceur sur un fond de lumière
Était comme la peau du léopard tigré. »

Un savant allemand, Hugo Magnus, de Breslau (la ressemblance des noms eût frappé V. Hugo lui-même) pense que les anciens Aryas ne distinguaient pas comme nous les nuances colorées. Les mots γλαῠϰος en grec, et cœruleus en latin désignent toutes les nuances du vert et du bleu. C’est à la suite d’une longue évolution, physiologique et psychique, que les couleurs, distinguées par notre œil dans le prisme, sont sorties de la lumière blanche. On peut conjecturer que les ancêtres de notre race n’étaient sensibles qu’au blanc et au noir, et qu’en tout cas les couleurs étaient très amorties dans leur appareil visuel. Nous résumerons donc toute cette enquête psychologique en disant que V. Hugo, par un phénomène de survivance remarquable, avait surtout la vision d’un ancien Arya. Souvenons-nous de cette conclusion, nous aurons à nous en servir dans la suite.

II.


Je n’attribue pas- plus d’importance qu’il ne faut. Messieurs, aux résultats d’une analyse de ce genre, et si intéressante qu’elle soit par certains côtés, je ne me dissimule ni les objections qu’elle soulève, ni les illusions qu’elle enveloppe. On se trompe gravement si l’on croit avoir rendu compte du génie de V. Hugo en disant qu’il avait une bonne vue, qu’il ne portait pas de lunettes, et que sa rétine,