Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/56

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celles où abondent les fautes de goût, les absurdités et les ignorances, sont les plus suggestives, les plus riches en révélations pour un psychologue : on y touche les bas-fonds du génie de V. Hugo. À ce point de vue, je citerai particulièrement les Travailleurs de la mer et l’Homme qui rit. Qu’on ne s’y trompe pas néanmoins : quand je dis que V. Hugo a exercé son génie avec une sorte d’inconscience, je ne veux pas dire qu’il n’a jamais eu de procédés, procédés de style ou de composition — une pareille assertion serait manifestement contredite par les faits — je veux dire surtout qu’il n’a jamais eu pleinement conscience de lui-même, que l’imagination dominait chez lui la volonté réfléchie, et qu’il n’est jamais arrivé, comme Goethe par exemple, à mettre d’accord ces deux facultés fondamentales de l’homme de génie, et à posséder ainsi la maîtrise de lui-même.

À ce déploiement magnifique de poésie inconsciente a succédé, en France, une période de poésie savante, consciente d’elle même, où le talent a plus de part que le génie, où l’inspiration est dirigée par la volonté et alimentée par la science. C’est la période représentée par l’École Parnassienne, ainsi appelée parce que l’éditeur Alph. Lemerre en a publié les principales productions dans un recueil qui a pour titre le Parnasse contemporain (1866 annque sqnt).

I.

Ce qui domine tout d’abord dans cette école, et l’un de ses traits caractéristiques, c’est le souci de la forme, l’observance exacte de la grammaire, la pureté du langage, la probité du métier, l’habileté et même la rouerie de la versification.

Fr. Coppée dit quelque part que les temps sont passés où un Lamartine, en montant à cheval, pouvait improviser un chef-d’œuvre, soit qu’il le dictât à un écuyer-secrétaire, soit qu’il le griffonnât sur le pommeau de sa selle. Ces temps héroïques ne sont plus. L’art de la poésie est devenu