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LES DÉCORÉS

je donne un croc-en-jambe à la vérité, car il copie ce qu’il voit, naïvement, simplement et si scrupuleusement qu’il a toujours en train plusieurs tableaux auxquels il travaille pendant les mêmes heures et par les mêmes effets de lumière.

Habitué à la vie solitaire des paysagistes constamment en conversation criminelle avec la campagne, Claude Monet parle peu et se contente de ponctuer ses admirations par des nom de Dieu lancés en voix de basse-taille, qui roulent dans sa barbe comme les grondements du tonnerre dans une forêt. Il vit retiré à Giverny où vont le relancer les marchands américains et les amateurs français, se venge royalement de l’incompréhension de l’État à son égard, en dotant le Luxembourg de l’admirable Olympia de Manet ; a oublié l’amertume de ses débuts, n’en veut à personne et ne se montre chatouilleux que sur un point. Oh celui-là !… Si vous ne ressentez pas une passion enragée pour la nature, n’avouez pas de-